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Le 01 Septembre 2022

Le patrimoine archéologique des Hautes-Alpes

L’archéologie s’interroge sur la place de l’homme sur notre planète en étudiant les vestiges matériels des civilisations passées dans leur contexte de découverte. Elle permet de retracer les occupations humaines sur un territoire, de restituer la culture matérielle et l’univers technique et d’étudier les interactions entre les sociétés humaines et leur environnement dans le passé. Ces observations débutent à l’apparition de l’humanité jusqu’à nos jours et peuvent se situer dans des milieux variés (terrestre, subaquatique, sous-marin). Deux modes opératoires archéologiques peuvent être menés : l’archéologie préventive, dans le cadre de travaux d’aménagement afin de s’assurer de la sauvegarde du patrimoine archéologique, et l’archéologie programmée, motivée par des objectifs de recherches scientifiques permettant l’étude d’un site dans la durée.

Les zones archéologiques

Quand un secteur est connu pour avoir un potentiel archéologique, la Direction régionale des affaires culturelles (représentant l’État en région) le notifie sur la Carte archéologique nationale. Ce potentiel archéologique est attesté par d’anciennes opérations de recherches, de terrain ou d’archives, et est en constante évolution. Dans ces secteurs, le Service régional de l’archéologie (relevant de la Drac) peut prescrire des opérations d’archéologie préventive (diagnostic et fouille), en amont des aménagements du territoire. A ce jour, 78 communes font l’objet d’un zonage de présomption archéologique dans le département des Hautes-Alpes.

> liste des communes

Les fouilles dans les Hautes-Alpes

Le premier « archéologue » haut-alpin est le préfet Ladoucette, qui organise dès 1804 des fouilles à la Bâtie-Montsaléon. Plus tard, Joseph Roman, historien français né à Gap, passionné d’archéologie publie une centaine d’ouvrages et d’articles sur l’histoire locale. Il créé notamment en 1867 un cabinet d’archéologie dépendant de Gap qui permet de répertorier et protéger les objets découverts lors de fouilles. En 1881 est créée la Société d’Études des Hautes-Alpes qui a (entre autres) pour mission de soutenir financièrement les acquisitions de collections. Aujourd’hui, le Musée Museum Départemental des Hautes-Alpes présente une collection d’objets et d’outils témoignant des activités humaines sur le territoire des Hautes-Alpes. La salle d’archéologie permet d’ailleurs de suivre l’histoire de nos ancêtres haut-alpins, depuis la Préhistoire jusqu’au Moyen Âge.

La Bâtie Montsaléon – Lampe au dauphin © Inrap
La Bâtie Montsaléon – Lampe © Inrap
La Bâtie Montsaléon – Amulette de sanglier © Inrap

Xavier Chadefaux est directeur délégué adjoint scientifique et technique à l’Institut National de Recherches en Archéologie Préventive (INRAP) Midi-Méditerranée et supervise tous les chantiers dans le département des Hautes-Alpes. Il nous explique les particularités du territoire Haut-Alpin.

L’archéologie en montagne est peu connue, en quoi est-elle particulière ?

L’archéologie préventive intervient quand une zone est menacée par des aménagements. En montagne, cela est moins courant que dans les fonds de vallée, sauf pour la création de lotissements ou pour les stations de ski. Mais il existe quand même des travaux en archéologie scientifique, comme par exemple pour les mines de cuivre de Saint-Véran.

Qu’est-ce qui caractérise le territoire des Hautes-Alpes ?

Sur la période antique, sur l’ensemble des dernières fouilles qui ont été réalisées (Embrun, La Bâtie-Neuve ou Saint-Laurent-du-Cros), on retrouve un mobilier qui vient de très loin. Ce qui veut dire que le territoire était un lieu de passage. A La Bâtie-Neuve par exemple, on a retrouvé des traces d’occupation qui datent de – 8000 grâce à des pièces provenant d’Italie. Ce qui veut dire que l’on circulait déjà à cette époque et que la culture n’était pas bloquée par les montagnes et les glaciers.

D’après les fouilles réalisées dans le département, qu’a-t-on appris de nos ancêtres selon les périodes ?

Les plus anciennes traces d’occupation datent de 10000 avant notre ère. Nous n’avons pas de traces antérieures aux périodes de glaciations. La libération des glaciers nous permet d’en retrouver mais les plus anciennes sont là où les glaciers sont descendus très bas (côté Durancien). Globalement, nos ancêtres vivaient ici comme ailleurs. Ce qui est intéressant, c’est de voir la progression des occupations et le contexte dans lequel les occupations se sont faites. Pour la période préhistorique, ils vivaient sous des tentes et se nourrissaient de la chasse et du prélèvement aux alentours.

Des fouilles sont-elles prévues prochainement dans le département ?

Ces derniers temps, il y avait quasiment une fouille par an dans les Hautes-Alpes ! Le prochain chantier devrait se dérouler à Gap pour la construction du futur abattoir.


EMBRUN, UNE CITÉ QUI REGORGE DE TRÉSORS ARCHÉOLOGIQUES

Chef-lieu de cité des Alpes Cottiennes au 1er siècle, Eburodunum est un relais sur la voie des Alpes. À la fin du IVè siècle, la ville dispose d’un évêché qui est érigé en archevêché en 794. Connue sous le nom de Notre-Dame depuis le milieu du IXè siècle, la cathédrale domine la plaine de la Durance au sud de la ville. Reconstruite à la fin du XIIè siècle, les travaux s’achèvent en 1225 par la façade et le voûtement de la nef. Au XIVè siècle, la présence de la Papauté en Avignon, le flot des échanges entre Avignon et l’Italie et le pèlerinage à Notre-Dame du Réal, contribuent au rayonnement économique et religieux de la cité.

Fouille Embrun © Lucas Martin, Inrap

Une opération archéologique a d’abord été réalisée au printemps 2008 sur l’îlot du Théâtre dans le cadre d’un projet immobilier. Une évaluation effectuée en 2007 avait montré la présence de vestiges d’habitats antiques, médiévaux et modernes dans ce secteur. Les vestiges de deux bâtiments ont été mis au jour de part et d’autre du site et ont montré que cette habitation avait été occupée entre la fin du Ier siècle et la première moitié du IVè siècle durant la période romaine. L’espace comporte un sol en terre battue, sur lequel ont été recueillies de nombreuses monnaies du IIè siècle. Deux pièces de l’aile occidentale, dont la fonction est plutôt résidentielle, ont été reconnues. L’une d’elles, communiquant avec un jardin, est pourvue d’un pavement en béton de tuileau (technique caractéristique de l’Antiquité) et ses murs étaient revêtus d’enduits peints. Plusieurs fragments de carreaux de plancher, lui-même supporté par des piliers (suspensura), évoquent la proximité d’une salle thermale. Mais le bâtiment a été brutalement détruit par un incendie, en attestent le bois calciné de charpente et la toiture effondrée qui ont été retrouvés.

Fouille Embrun © Stéphane Pageot, Inrap

En 2019, l’installation de réseaux de chauffage urbain réalisée par la Régie Bois Énergie d’Embrun dans le quartier de la cathédrale Notre-Dame du Réal, conduit à la mise en place d’études archéologiques. Les fouilles réalisées par l’Inrap dans les rues du Gouvernement, de l’Archevêché et Emile-Guigues apportent des éclairages sur l’histoire de la ville. Les premières études commencées à l’automne 2018 mettent au jour un mur monumental de plus de deux mètres de large, présentant un élément d’architrave antique dans le bas de la rue Emile-Guiges. En 2019, des sols construits en béton de tuileau ont été découverts sous la rue de l’Archevêché. Les fouilles attestent également de la présence d’un cimetière entourant la cathédrale, datant de la période médiévale. Mais son étendue et sa temporalité (depuis le XIèsiècle ?) restent à préciser. Enfin, sous le boulevard Pasteur, les fouilles ont permis de découvrir des inhumations. Ces tombes signalent l’existence de cimetières paroissiaux médiévaux, comme ceux de Saint-Hilaire et de Sainte-Cécile, dont les églises ont été détruites à l’époque moderne. Des vestiges d’un réseau d’eau ont également été découverts rue de la Liberté, datant probablement de la fin du Moyen Âge.

Sépulture collective – Boulevard Pasteur, Embrun © Baptiste Vappereau, Inrap

Enfin en 2021, des fouilles ont été organisées en prévention de la rénovation du bâtiment de l’Archevêché. Les archéologues ont pu mettre au jour des arcades datant du XIIIè siècle. Le premier édifice ressemblait à une forteresse, dont il ne reste aujourd’hui que la Tour Brune. La bâtisse a ensuite été rénovée durant la Renaissance pour devenir le palais de l’archevêque. Au XIXè siècle, d’énormes travaux sont entrepris pour installer la caserne de chasseurs alpins « Laharpe », avant de se transformer sous le gouvernement de Vichy en 1942, en un lieu d’apprentissage : « Le Centre Alpin ». En 2021, la partie de l’aile sud de l’archevêché a été convertie en appartements de standing, tandis que l’autre secteur conservé deviendra prochainement un pôle culturel réunissant l’école de musique, la médiathèque, l’auditorium et le centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine religieux. Là encore, des fouilles préventives seront opérées à la fin de l’année 2022 avant réhabilitation.

DES ASSOCIATIONS QUI SOUTIENNENT L’ARCHÉOLOGIE À EMBRUN
De nombreuses associations soutiennent la conservation du patrimoine local. À Embrun par exemple, l’Association pour la Préservation et la Valorisation du Patrimoine Ancien de la commune d’Embrun a pour but de concourir à la préservation et à la valorisation des vestiges préhistoriques, gallo-romains, médiévaux et Renaissance de la commune d’Embrun. Une autre association « L’Association de Sauvegarde et d’Études du Patrimoine de l’Embrunais » a pour mission de mettre en œuvre tous les moyens visant à assurer l’étude, la protection, l’animation, la mise en valeur et la restauration de tout élément du patrimoine présentant un intérêt historique, archéologique, ou plus largement culturel du canton d’Embrun et de contribuer à la vie culturelle d’Embrun.

Plus d’infos : APVPACE – page Facebook « Vestiges romains Embrun »ASEPE – patrimoine-embrunais.fr 


ZOOM SUR LE MONS SELEUCUS, UN LIEU SACRÉ ANTIQUE DÉCOUVERT EN 2022

L’Inrap a mis au jour un enclos votif d’époque romaine. Lucas Martin, responsable de recherches archéologiques et Jordan Latournerie, archéologue et numismate, nous expliquent leurs découvertes.

L’association « Les amis de Mons Seleucus », créée en 2000 a pour but de garder la mémoire de ce site gallo-romain situé sur la Bâtie-Montsaléon, unique dans les Hautes-Alpes et de fédérer les institutions afin d’en créer un projet culturel et touristique. L’association organise également une fête gallo-romaine tous les deux ans (prochaine fête programmée en juin 2023) et a par ailleurs édité deux livres : un tout public et un autre à destination des écoles comme support d’un projet scolaire autour de l’archéologie.

Animations à venir :

  • Exposition sur le Mons Seleucus pour les Journées Européennes du patrimoine les 17 et 18 septembre 2022 à la médiathèque de Veynes
  • Projection d’un film et exposition des objets trouvés lors de la fouille à la médiathèque de Veynes en novembre 2022

Plus d’infos : Maurice Zawadzki, président de l’association – jm.zawadzki@orange.fr