Boletus edulis
# Plus2Nature
Le 31 Octobre 2023

Tout connaître des champignons avec la Société Mycologique des Hautes-Alpes

La société mycologique des Hautes-Alpes a été créée en 1999. Elle a pour mission de faire connaître les champignons, informer le public sur les dangers de certains d’entre eux et les autorités en cas de problème. René Foucher, secrétaire de l’association revient pour nous sur la fin de la saison de la cueillette de certaines espèces.

Novembre sonne la fin de la saison de la cueillette des champignons. Que peut-on encore trouver dans les Hautes-Alpes ?

Effectivement la fin de la saison de la cueillette sera aux alentours du 15 novembre. Il n’y a pas de règles car même si nous bénéficions d’épisodes pluvieux, la sortie des champignons n’est pas automatique. Il faut privilégier les terrains en altitude en forêt et côté nord. Nous pouvons encore trouver certaines espèces intéressantes, comme des cèpes de Bordeaux, des amanites de César, des petits gris ou des lactaires sanguins. Il faut cependant faire très attention avec les petits gris, le Tricholome terreux (Tricholoma terreum), car ils sont souvent confondus avec une espèce très toxique, le Tricholome tigré (Tricholoma pardinum) très fréquent dans les Hautes-Alpes. Il faut absolument savoir le reconnaître. Il y a d’ailleurs de plus en plus de cas d’intoxication par les champignons car les gens utilisent des applications de reconnaissance, mais si cela fonctionne bien pour les plantes, ce n’est pas le cas pour les champignons.

Justement, que conseillez-vous aux gens qui partent en cueillette ?

Dans l’idéal, il ne faut cueillir que ce que l’on connaît vraiment. Si on a un doute, il faut consulter des professionnels, comme les pharmaciens. Il est aussi possible de nous contacter. Notre responsable scientifique Jacques Guinberteau est expert mycologue professionnel auprès des Centres anti-poisons français (CAP). Au niveau des bonnes pratiques pour la cueillette, il faut utiliser un panier à fond plat pour ne pas écraser la récolte. Le sac en plastique est à proscrire car il peut abîmer les champignons et avec la chaleur des bactéries peuvent se développer. Il est aussi nécessaire de bien déterrer le champignon jusqu’à sa base, à l’aide d’un couteau, afin de pouvoir vérifier certains caractères d’identification (comme la présence d’une volve chez des Amanites mortelles) ou la présence d’un mycélium coloré à la base du pied (jaune, bleu ou rouge), qui vous permettra d’asseoir un diagnostic de l’espèce ! Et bien entendu, il faut respecter la nature et ne pas ratisser ou sur-piétiner les sols.

Comment les conserver ?

Dans l’idéal, il faut les traiter et les consommer rapidement. Il est possible de les conserver quelques jours dans une boîte hermétique au réfrigérateur. Mais surtout, il faut éviter d’en manger trop au cours d’un repas. Les champignons sont plus des condiments que des aliments. Consommés en grande quantité, ils peuvent devenir toxiques, la toxine s’accumulant dans l’organisme et provoquant des symptômes à partir d’un certain seuil.

BON À SAVOIR
Quand vous partez en cueillette, il ne faut surtout pas arracher ou piétiner les champignons non comestibles. En effet, ils sont nécessaires au fonctionnement de l’écosystème forestier !


L’avis de l’expert

Jacques Guinberteau est ingénieur d’études 1ère classe, mycologue-taxonomiste, retraité de l’Institut National de Recherche Agronomique et fait partie de la société mycologique des Hautes-Alpes.

Les champignons occupent une place prépondérante dans le fonctionnement de notre environnement, au sein des écosystèmes terrestres, bien au-delà de nos assiettes ! Ils sont les grands oubliés de la biodiversité. Souvent invisible, caché dans le sol des sousbois, l’immense réseau mycélien ne se révèle au grand jour qu’une fois par an : à l’automne. C’est en effet à cette période de l’année que la plupart des champignons poussent et se rendent visibles, pour le plus grand plaisir de nos yeux… et accessoirement de nos papilles ! Ce monde des champignons joue un rôle clé sur notre planète. Sans eux, pas de vie végétale terrestre et encore moins de croissance des végétaux !

Leur trame mycélienne souterraine tisse un véritable réseau en maillage, reliant chaque arbre du boisement entre eux, en échangeant des molécules ou médiateurs chimiques qui ont un rôle dans les processus de défense face aux agresseurs (insectes, bactéries, …). Ils sont aussi les éboueurs et grands nettoyeurs de nos déchets et pollutions en tous genres, par leur grande capacité à dégrader et à recycler la matière organique (feuilles mortes et bois morts, déchets organiques) ou à contribuer à la dépollution et fertilité des sols. Par ailleurs, en ces périodes de grande sécheresse et de dérèglement climatique, ils participent à l’alimentation hydrique des arbres de nos forêts grâce à leur capacité à aller chercher l’eau moléculaire résiduelle bloquée et retenue dans les feuillets d’argile du sol. Leur protection est une nécessité absolue pour les écosystèmes de nos forêts.

Pour autant, les champignons constituent le règne le plus méconnu parmi les êtres vivants. Chaque année, les scientifiques découvrent plus de 2000 nouvelles espèces dans le monde et cela augmente encore. Rien qu’en Europe, continent le plus étudié, on continue de décrire plus de 500 espèces nouvelles par an. À titre d’exemple, ce sont plusieurs centaines d’espèces de champignons macromycètes que nous avons observées et identifiées ces dernières années sur notre département, avec la découverte récente de trois nouvelles espèces, rien que sur la forêt de Boscodon-Bragousse.

LE PLUS
Jacques Guinberteau vient de réaliser deux ouvrages consacrés à la connaissance des champignons des Hautes-Alpes et de la forêt d’exception de Boscodon, laquelle est devenue actuellement son nouveau laboratoire d’étude ! Les ouvrages de Jacques Guinberteau sont disponibles à la librairie d’Embrun ”Charabia” et à la librairie de l’Abbaye de Boscodon.

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